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Le rendez-vous des Micropatrologues.
 
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 Quand la Mort...

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Wensaïlie
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MessageSujet: Quand la Mort...   Quand la Mort... Icon_minitimeLun 29 Juin - 14:10

Quand la mort frappe à la porte…



Chapitre un :



Il y a des jours où on se rend compte que l’on va mourir. Peut-être pas dans l’instant, mais un jour, on va mourir. On le comprend comme une sorte de vérité ultime. Moi aussi, un jour, je vais mourir un jour.

Il y a de nombreuses questions qui s’associent à la mort. Des questions universelles. Tout le monde doit bien se les poser un jour. Ces questions déterminent de façon radicale notre comportement. Notre prise de conscience face à la Mort nous fait tous agir différemment, mais peut-être tous dans le même but : occuper une file de jours, qui passent encore et encore devant nous, les uns après les autres, et qui continueront à passer, les uns après les autres, même lorsque nous ne serons plus là.

Pourquoi je vis ? Pourquoi je meurs ? Pourquoi les autres meurent ? Pourquoi pas moi ?



Chapitre deux :



« Toc, toc, toc »

Ce fut à peine si Jules entendit le bruit tellement l’orage qui se déchaînait dehors était violent. Depuis neuf heures du soir une tempête monstre déchirait les cieux, ravageant la campagne comme la ville. Des trombes d’eau inondaient les champs, faisaient déborder les ruisseaux, les lacs. Le vent soufflait en rafales brutales et secouait avec une force titanesque les arbres fins, cassait les plus gros et faisait se plier de honte les lampadaires de métal, des grincements de fin du monde.

Assis devant la télé, Jules jeta un regard inquiet à la porte d’entrée, située au bout du couloir, juste dans le prolongement du canapé. Par chance la tempête n’avait pas encore entraîné de coupure de courant. Dehors le lampadaire éclairait donc encore, bien que d’une lumière vacillante, et Jules put voir une fine silhouette noire, d’un noir tellement intense qu’il paraissait irréel, se découper sur un fond apocalyptique à travers la vitre de la porte d’entrée.

« Toc, toc, toc »

Il baissa le son de la télé et se précipita vers la porte d’entrée. Il ne fallait pas que l’intrus sonne, cela risquerait de réveiller Arthur, le petit frère de Jules, qui avait à peine quatre mois. C’était déjà un exploit qu’il dorme encore malgré le tonnerre qui grondait au dessus de leurs têtes, ce n’était pas la peine de tenter le diable en essayant avec la sonnette. La clef était encore dans la serrure. Jules la tourna à droite, puis à gauche, il ne savait jamais dans quel sens il fallait tourner. Avant d’ouvrir la porte, Jules, qui sentit une pointe d’inquiétude monter en lui, ouvrit le placard à chaussure, qui se trouvait juste à côté de la porte. Il saisit une énorme paire de baskets qui appartenaient à son père.

Jules avait douze ans. C’était un garçon banal, ni trop bête, ni trop intelligent, au physique banal, aux goûts banals, avec des passes temps banals. Comme tout le monde il se sentait un peu concerné par le réchauffement climatique, par la faim dans le monde, et la fin du monde aussi, prévue par tous les grands prophètes pour la fin de l’année – ils étaient en 1999. Il avait une vie normale, deux parents, un petit frère, quatre grands parents. Il n’était pas peureux, mais pas courageux non plus. Déjà l’orage commençaient à l’inquiéter – il ne l’avouerait jamais mais son imagination commençait à s’emballait – alors imaginait le quand il entendit quelqu’un frappé à la porte, à cette heure, par ce temps. Cette peur – intolérable pour un homme comme lui, pensa-t-il en bombant le torse – était nourrie en cachette par des films peut-être pas vraiment de son âge qu’il avait visionnés. Comment savoir si derrière cette porte ne se tenait pas un fou, psychopathe, meurtrier en série ? Il ne pouvait pas demander à voir « la patte blanche ». Il suffisait juste d’ouvrir la porte…

Jules rassembla son courage, serra les baskets à s’en blanchir les articulations et tourna la poignée, prêt à assommer son visiteur au moindre signe hostile.



Il ouvrit la porte le plus normalement du monde. Ni trop lentement, ni trop rapidement. Inconsciemment il sentait sa peur, mais il n’en avait pas vraiment conscience.

Il fut étonné de voir ce que l’attendait sur le perron. Une jeune fille de son âge à peu près, trempée jusqu’aux os, le fixait d’un regard morne et vide. Il ne la connaissait ni d’Eve ni d’Adam, et même les habits qu’elle portait, qui ressemblaient vaguement à un uniforme, ne lui évoquaient rien.

- C’est pour quoi ? demanda-t-il comme s’il s’adressait à un marchand qui faisait du porte à porte.

La jeune fille demeura muette. On aurait dit une poupée grandeur nature. Elle le fixait toujours de son regard absent, remuant un peu les lèvres, comme pour parler, mais Jules n’entendait rien.

- Qui es-tu ? demanda le garçon indécis.

Que devait-il faire ? Il ne pouvait décemment pas laisser cette fille toute seule dehors, pas sous cette pluie, pas à cette heure. Et elle avait l’air tellement perdue, ce n’était surement pas une psychopathe meurtrière tout juste échappée de l’asile. Mais avait-il le droit de faire ça ? Que diraient ses parents ?

La jeune fille ne bougeait toujours pas. Soudain un éclair éblouissant déchira le ciel. Immédiatement après suivit un roulement de tonnerre, si profond que Jules le sentit résonner dans tout son corps, le sol vibra étrangement. Ce fut comme si on avait appuyé sur le bouton « on » de la jeune fille.

- Je m’appelle Hélène, déclara-t-elle en avançant, un énorme sourire aux lèvres. Et toi ?

Jules n’eut pas le temps de répondre ni de faire quoi que se soit, elle entrait déjà dans la maison.

- Oh !! C’est beau chez toi !

Abasourdit, Jules eut juste le temps de refermer la porte avant de rejoindre son invité surprise qui entrait dans le salon, laissant une traîné de boue derrière elle. Elle enleva rapidement ses sandalettes fichues et se mit à courir partout, riant d’un rire si étrange. Elle finit par s’intéresser au canapé et à faire du trampoline dessus. Et elle riait encore et encore.

Jules ne put s’empêcher de l’étudier un instant, avant de la faire descendre. Ses cheveux bruns et bouclés malgré la pluie, lui arrivaient aux épaules. Ils éclaboussaient de milles gouttelettes le canapé, les papiers importants des parents de Jules, sur la table juste derrière, le journal télé, et le carrelage, déjà bien humide et boueux après son passage. Ses yeux riaient de joie, à eux tout seuls ils éclairaient son visage tellement ils étaient pleins de lumière, et en même temps si profonds que s’en était indescriptible. Son visage – trempé – était plutôt pâle, mais sur ses pommettes une touche de rose l’empêchait d’avoir l’air malade. Sa bouche était grande ouverte et le rire qui s’en échappait été enivrant. Il donnait envie de rire avec elle. Il s’insinuait doucement dans l’esprit de Jules, tout doucement, et bientôt le garçon se surprit à sourire niaisement sans trop savoir pourquoi. C’était un rire si claire, si enchanteur, tellement cristallin, que Jules aurait voulut l’écouter toute sa vie.

Puis il se souvint que la jeune fille était en train de salir tout le salon. Déjà la housse du canapé semblait irrécupérable tant elle était imprégnée de boue. Déjà que les parents de Jules ne seraient pas enchanter de trouver une – belle certes – jeune inconnue dans leur maison, alors si en plus la maison s’avérait avoir été inondée par cette même – belle certes – jeune inconnue….

- Eh ! Descends de là ! s’exclama-t-il, tout sourire envolé, en secouant un peu la tête pour reprendre ses esprits.

La jeune fille s’immobilisa instantanément, stupéfaite. Elle s’arrêta de rire, ses yeux perdirent de cette étrange lumière qui les avait animés quelques secondes plus tôt. Dès qu’elle cessa de rire, Jules sentit quelque chose de serrer dans sa poitrine, comme si on compressait son cœur, comme ci celui-ci avait manqué un battement. Par réflexe il porta sa main droite à sa poitrine et la crispa. La seule chose qu’admira Hélène fut le pli des habits de Jules autour de sa main crispée.

- Quoi ? demanda-t-elle en regardant Jules.

Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi il fallait qu’elle descende du canapé. Les humains avaient le droit de faire tout ce qu’ils voulaient non ? Pourquoi ne pouvait-elle pas sauter sur ce qu’ils appelaient un canapé ?

- Descend ! répéta Jules en attrapant le bras d’Hélène pour la tirer vers le bas. Tu es en train de tout mouiller !

Hélène se laissa faire et descendit du canapé, un air coupable sur le visage.

- C’est grave de tout mouiller ? demanda-t-elle en posant son index sur ses lèvres.

Jules la regarda, interloqué. Il se demanda un instant si elle ne se moquait pas de lui.

- Bien sûr ! finit-il par s’exclamer, en fronçant les sourcils pour imiter son père en colère. Ça se voit que c’est pas toi qui vas nettoyer après ! Il va falloir faire sécher la house du canapé, et tous les papiers !

Hélène baissa les yeux, contrite, pour montrer qu’elle s’excusait. Elle ne savait pas. Elle sentit des larmes lui monter aux yeux, parce qu’une étrange vide se trouvait dans son ventre. Elle était désolée mais elle ne comprenait pas, elle trouvait injuste que le garçon lui crie dessus. Alors que sa première larme, brûlante et salée, allait couler, Jules lui reprit la main et la traîna vers la salle de bain. Comme il faisait froid il alluma le chauffage, puis il sortit une serviette qu’il tendit à Hélène.

- C’est pour nettoyer ? demanda la jeune fille candidement en déployant devant elle la serviette qui était rouge, avec une petite fleure blanche cousue en bas à droite.

- Tu es bête ou tu le fais exprès ? soupira Jules énervé, c’est une serviette, pas une serpillère. C’est pour te sécher !

- Me sécher ?

Hélène regarda la serviette avec des yeux ronds.

- Pour ne pas mettre de l’eau partout ? demanda-t-elle à la recherche d’informations.

Jules avait l’impression de parler à un bébé.

- Et pour ne pas prendre froid non plus, précisa-t-il en remontant ses lunettes sur son nez.

- Froid ? répéta stupidement Hélène.

Le mot se brisa dans le silence de la salle de bain. Dan toute la maison on entendait plus que la pluie qui martelait le toit à l’étage, Jules avait éteint la télé.

- Froid, dit encore Hélène en regardant la serviette, indécise. Qu’est-ce que le froid ? demanda-t-elle en levant la tête vers Jules.


Dernière édition par Wensaïlie le Jeu 30 Juil - 16:54, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Quand la Mort...   Quand la Mort... Icon_minitimeLun 29 Juin - 14:11

Celui-ci retint un nouveau soupir exaspéré. D’où pouvait-elle bien venir pour ne pas connaître le froid. Elle avait l’air tellement perdue, comment était-elle arrivée devant chez lui – et surtout pourquoi devant chez lui ?

- Le froid, c’est qu’en tu as froid, répondit Jules en cherchant à expliquer à Hélène. C’est comme la neige, ou la glace, c’est froid.

- La glace ça glisse et la neige ça croustille, répondit Hélène avec conviction.

Jules la regarda avec des yeux ronds, déconcerté, complètement déboussolé. Mais qui était cette folle ? Dans l’esprit du garçon il était évident qu’Hélène était une extraterrestre débarquée sur Terre pendant l’orage car son vaisseau avait été foudroyé.

Malgré le radiateur à pleine puissance il faisait encore froid dans la pièce. Hélène, en jupe et T-shirt, observa avec étonnement ses poils des avants bras se hérisser, et les ports de sa peau former de petits dômes pâles. Un frisson la parcourut, puis un autre et enfin elle éternua, surprise.

- C’est ça avoir froid, expliqua Jules en prenant la serviette des mains d’Hélène et la mettant sur ses épaules pour égoutter les cheveux trempés de son invitée surprise. Et parfois aussi tu as tellement froid que tu grelottes…

- Co… comment ? demanda Hélène en claquant des dents.

- Exactement comme ça, répondit Jules qui frictionnait maintenant les bras d’Hélène avec la serviette.

Sa mère lui faisait ça lorsqu’il était malade et qu’il sortait du bain en grelottant.

- Et quand on a très froid et qu’on est en short au pôle nord par exemple, on devient tout rouge, continua Jules pour faire la discussion. Le froid nous brûle. Puis on devient tout bleu et dur, parce que notre sang se gèle.

Tout à parlant il continuait à frotter vigoureusement la jeune fille. Hélène cessa de calquer des dents. Jules finit par la lâcher et recula. Hélène baissa la tête et dit :

- Froid… sa voix avait changée, elle semblait plus dure, plus sûre d’elle. C’est comme avant de mourir non ?

Jules mit un instant à enregistrer et comprendre ce que son invitée venait de dire. Il lui fit faire un demi-tour et planta son regard dans celui de son invitée, inquiet.

- Pourquoi tu dis ça ? demanda-t-il d’une voix ferme.

En son fort intérieur cependant il tremblait. Il avait l’impression qu’au lieu de se réchauffer la pièce devenait de plus en plus froide.

- C’est ça non ? Avant de mourir on a froid, répéta Hélène en regardant ses pieds nus sur le carrelage.

Jules hésita à répondre.

- Il paraît que des fois avant de mourir les gens ont froid, murmura-t-il, mais je ne suis pas mort alors je ne sais pas.

- Je vais mourir alors ? demanda brusquement Hélène les yeux écarquillés de terreur.

- Bien sûr que non ! s’exclama Jules désemparé, ce n’est pas parce que tu as froid que…

- Je vais mourir, répéta Hélène en regardant ses mains secouées de spasmes, je vais mourir…

- Pas aujourd’hui ! Ni demain ! s’exclama Jules avec véhémence. On ne meurt pas comme ça ! Tu mourras lorsque tu seras vieille, quant tu auras fait plein de choses.

Il attrapa Hélène par les bras pour la forcer à croiser son regard.

- Mais je vais mourir quand même ! s’écria Hélène qui sentait ses yeux la brûler pour la deuxième fois dans la soirée.

Un crissement étrange détourna l’attention de Jules un instant. Le miroir au dessus de l’évier était en train de se fissurer. Jules posa alternativement ses yeux sur Hélène, puis le miroir, pour revenir sur Hélène.

- C’est toi qui as fait ça ? demanda-t-il effrayé.

- Je ne veux pas mourir ! répétait Hélène qui se débattait comme une folle. Non ! Je ne veux pas !

Le miroir explosa. Trois énormes morceaux tombèrent dans le lavabo. Ils se brisèrent à nouveau dans un tintement. Une pluie d’argent tombait sur le sol. Incapable de savoir comment cela avait-il pu se passer, Jules décida de commencer par calmer Hélène. Il chercherait les réponses après.

- Hélène ! dit-il en essayant de couvrir les cris de la jeune fille. Hélène ! s’exclama-t-il plus fort. Arrête !

Il resserra son emprise sur les bras de la jeune fille et l’attira vers lui.

Elle cessa progressivement de crier, ses pleurs se transformèrent peu à peu en murmure. Jules relâcha un peu son étreinte. Ses joues virèrent au rouge lorsqu’il se rendit compte qu’il était en train de consoler une – belle certes – inconnue. Il aurait bien repoussé la jeune fille mais elle ne semblait toujours pas tranquillisée et un sens aigu des devoirs du chevalier empêcha Jules de la laisser ainsi sans réconfort. A force de timides caresses dans les cheveux et de « chut… calme toi… » Hélène reprit enfin ses esprits.

- Maintenant viens, dit Jules en la tirant par le bras.

Il l’entraîna dans la cuisine. Un coup d’œil dehors lui appris que la tempête se déchaînait toujours à l’extérieur. Il fit asseoir Hélène sur une chaise et la rapprocha de la table, comme il l’aurait fait pour un petit enfant.

- Tu aimes le lait ? demanda-t-il.

La jeune fille acquiesça timidement, un peu honteuse de ce qu’il venait de se passer. Jules versa du lait dans un bol et le mit à chauffer au microonde.

- Je revins tout de suite, rassura-t-il Hélène en voyant le regard apeuré qu’elle lui jeta lorsqu’il fit mine de partir. Je vais chercher des habits propres, précisa-t-il en sortant complètement de la cuisine.

Hélène acquiesça.
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MessageSujet: Re: Quand la Mort...   Quand la Mort... Icon_minitimeLun 29 Juin - 14:11

Jules se mit à réfléchir à toute allure en montant les escaliers. Qui était Hélène ? Pourquoi était-elle ainsi, si perdue ? Pourquoi – comment – le miroir c’était-il brisé ? Comment Hélène était elle arrivée devant chez lui ? Mais le plus important restait : qu’allait-il faire d’elle ? Comment allait-il expliquer à ses parents pour le miroir ? Devait-il montrer Hélène à ses parents ou la cacher ? Jules fit la moue. Il n’avait aucun raison de cacher Hélène. Par contre, ses parents ne le croiraient jamais s’il leur expliquait ce qu’il s’était vraiment passé.

Il ouvrit son placard et chercha des vêtements qui iraient à Hélène. Un coup de tonnerre déchira le ciel. Surprit il sursauta. Il ressentit à nouveau cette étrange impression dans sa poitrine. Son cœur lui faisait mal ! Il en eut le souffle coupé tellement c’était soudain. Effrayé, il n’arrivait pas à se calmer. Son souffle lui échappait et il suffoquait sans pouvoir rien y faire, ce qui le faisait paniquer encore plus.

« Je vais mourir. Je vais mourir… » pensait-il.

Il tomba à genou sur le planché, les mains sur sa gorge.

- Jules ? la voix tremblante, comme sur le point de pleurer, retentit dans la chambre vide.

C’était la voix d’Hélène mais là qu’il ne la voyait pas, que les sons lui arrivaient déformés par la peur et la douleur, elle lui semblait bien différente, comme dangereuse. Elle résonnait, métallique, froide. Comme il ne pensait pas rester si longtemps dans sa chambre il n’avait pas pris le temps d’allumer la lumière, celle du couloir lui suffisait. Elle projetait l’ombre d’Hélène dans la chambre de Jules. La tête baissée, le souffle court, le front perlé de sueur, tremblant enfin, Jules tourna la tête vers l’ombre d’Hélène. Dans tout son corps il sentit une vague de froid. Elle l’envahit lentement, douloureusement. Il regardait l’ombre avec appréhension. Refusant de réfléchir à ce qu’il voyait. Il devait délirer. L’ombre qui se découpait dans la lumière du couloir sur le planché ne pouvait pas être celle d’Hélène. C’était une ombre inquiétante, difforme, qui semblait teindre sa couloir noire sur le planché tant elle était sombre.

« C’est du délire… c’est parce que je vais mourir.. »

Elle semblait habillée de guenilles qui s’agitaient dans un vent inexistant. Mais le pire était ce qu’elle tenait dans la main gauche. Un bâton, coiffé d’une grande lame triangulaire un peu triangulaire. Ce n’était qu’une ombre mais Jules était certain qu’il s’agissait d’une arme, d’une arme aussi affutée qu’un couteau de boucher. C’était ça d’ailleurs, un couteau de boucher… finalement, la faux de la Mort ne faisait que ça, découper encore et encore des têtes. Des vies.

- Jules ! Jules, ça va ? Hélène se précipité sur Jules, inquiète.

- Ne m’approcha pas ! s’exclama Jules en reculant précipitamment, se traînant sur le sol avec ses mains de manière malhabile.

- Jules… Hélène avait les sourcils fronçaient d’inquiétude.

Jules ne savait plus quoi faire. Pourquoi avait-il réagit si violemment ?

- Qui es-tu ? demanda-t-il d’une voix dure en essayant de se relever.

Il aurait voulut paraître plus aimable mais son cœur le faisait encore souffrir et il avait la gorge sèche à cause de l’angoisse. Il n’avait plus aucune force dans les bras cependant et ne réussit qu’à se fatiguer un peu plus.

- Je suis….

Le bébé dans la chambre à côté se réveilla et se mit à hurler, rompant le silence qui s’installait malgré la pluie qui battait les tuiles sur le toit.

- Je suis… tenta encore Hélène.

Jules serra les dents. Il fallait qu’il soit courageux. Il était surement en train de rêver, parce qu’il s’était endormit devant la télé. Sa tête lui tournait, elle avait été trop longtemps privée d’oxygène. Il se sentait fiévreux. Ses yeux le brûlaient. Et son cœur surtout, lui faisait encore un mal de chien.

- Je suis Hélène.

- Non ! Mais qui es-tu vraiment ?

- Qui… la Mort… répondit l’autre d’une voix sourde.

Le cœur de Jules fit un bon, accélérant encore. Il sentait ses forces le quitter lentement. Il leva des yeux inquisiteurs vers Hélène, un sourire crispé aux lèvres. Il ne pouvait pas y croire. Qui pouvait y croire ? N’avait-elle donc aucune pitié pour lui asséner ça comme ça alors qu’il était au plus mal ?

Et pourtant en partant de cette folle hypothèse on pouvait tout expliquer. Le miroir, le froid qui s’était installé malgré le radiateur, le froid qu’elle ne connaissait pas, le fait qu’elle ne veuille pas mourir… mais en même temps la Mort ne pouvait pas mourir, pourquoi avait-elle donc autant paniquer alors ? La Mort ne sentait pas le froid, pourtant elle avait éternuée. Hélène s’accroupit devant Jules et lui tendit une main qu’il jugea secourable. Il hésita pourtant. Que faire ? D’un côté il voulait sortir de cet état atroce, mais d’un autre comment pouvait-il accepter l’aide de quelqu’un qui prétendait être la Mort. Avait-on le droit de prendre la main de la Mort ? Etait-ce normal qu’elle vous aide ?

- Aller ! ordonna Hélène en voyant Jules bleuir lentement.

Il leva vers Hélène une main tremblante. Leurs doigts se touchèrent. Jules s’attendait à ce que ceux d’Hélène soient gelés, mais pas du tout. Par contre la jeune fille s’inquiéta de la température extrêmement basse du garçon. HéHéElle tira lentement la main de Jules pour l’aider à se relever. Lorsqu’il fut sur ses jambes il tremblait autant qu’un jeune faon. Hélène ne lâcha pas la main du jeune homme et l’emmena dans la lumière du couloir. Jules sentit son cœur se calmer. Malgré le fait qu’il soit gelé jusqu’aux os, comme s’il sortait du frigo, il sentait des gouttes de sueur sur son front, ses joues, et dans le creux de son cou. Il leva les yeux vers Hélène, doucement, tout doucement, s’attendant à voir la matérialisation de cette ombre inquiétante qu’il avait vue un peu plus tôt. Mais la jeune fille n’avait pas changée, elle était toujours pareille, mise à part que son regard était un peu plus inquiet.

- Ca va mieux ? demanda-t-elle d’une voix bien posée.

Jules sentait l’air affluer dans ses poumons et son cerveau avec délice. Il aurait voulut qu’Hélène lui lâche la main mais il se sentait vidé, il n’avait pas le courage de se dégager.

- Allons dans la cuisine, dit-elle.

- Le bébé, protesta Jules d’une faible voix.

- Ne t’inquiète pas il va se rendormir.

- Je veux aller le voir ! s’exclama-t-il en retirant brutalement sa main de celle d’Hélène.

Il regretta immédiatement ce mouvement d’humeur. Il vacilla et manqua de tomber. Hélène voulut l’aider mais Jules l’en dissuada d’un geste de la main. De l’autre il s’appuya contre le mur, le temps de récupérer.

- Je peux y aller, proposa HéHHélène conciliante.

- Surement pas ! cria Jules.

Maladroitement et honteusement il ouvrit violemment la porte de la chambre de son frère et y entra en s’appuyant au mur. Il la referma tout aussi violemment. Surprise Hélène sursauta.

Dans la chambre du petit frère, malgré la pluie toujours battante, malgré les cris du bébé qui vrillaient ses tympans, Jules eut l’impression d’être enfin au calme, comme si une sorte de magie régnait dans la chambre. Une atmosphère apaisante et saine. Sereine. Il s’approcha du lit du bébé avec précaution. « Les bébés sont fragiles ». On le lui avait assez répété pour qu’il prenne bien garde à ne pas faire de bêtise. Il prit le temps d’observer le poupon. Il n’était pas beau. Comme la plupart des bébés d’après Jules. Mais là particulièrement il n’était pas beau. Il avait de grosses joues roses et gonflées, humide de larme. De la morve lui coulait du nez et ses doigts s’ouvraient et se refermaient sur eux même. Jules chercha précautionneusement le bouchon – ou tutute – dans le lit de bébé, évitant les coups de pieds. Lorsqu’il l’eut trouvée il l’introduisit dans la bouche de son frère. Le bébé cessa immédiatement de pleurer et se rendormit calmement.

Jules s’assit sur une chaise et s’accorda cinq minutes de réflexion intense sur la situation. La Mort était dans sa maison, l’attendait même pour qu’ils aillent boire un bol de lait chaud dans sa cuisine. Ses parents allaient revenir d’une minute à l’autre et allaient découvrir le salon trempé, pleins de traces de boues, et le miroir de la salle de bain brisé. Il ne pourrait jamais expliquer à ses parents ce qu’il c’était passé pour le miroir, sinon ils le prendraient pour un fou aliéné bon à interner. Il ne pouvait se résoudre à jeter Hélène dehors, parce que malgré la peur immense qu’il éprouvait à son égard, la curiosité et quelque chose d’autre, d’incompréhensible, que Jules ne pouvait pas nommer, le retenaient. Et puis elle avait l’air si fragile, si perdue et désemparée. La solution qui lui restait été d’accueillir clandestinement Hélène dans sa chambre. Mais la question suivante changeait tout : si Hélène était la Mort, ne risquait-il pas de mourir en vivant dans la même chambre qu’elle ? Le seul moyen de savoir était de lui demander. Mais saurait-elle seulement la réponse ? Car Jules acceptait – avec prudence et circonspection – le fait de voir la Mort, mais il tenait encore assez à la vie pour ne pas se laisser avoir. Hélène semblait découvrir le monde. A chaque pas ses yeux curieux dévoraient tout ce qu’ils voyaient. De petit grain de poussière sous le radiateur à la moindre petite écaille de la peinture du plafond. Rien ne lui échappait. Ses doigts effleurés tous les objets, à la recherche des différentes textures présentent dans la maison. Elle ne savait pas ce qu’était le froid. Ou du moins pas vraiment. Jules passa sa main dans ses cheveux bruns et souples. Il soupira, se leva, jeta à coup d’œil à son frère qui dormait toujours et sortit dans le couloir. Il referma la porte avec délicatesse, sous le regard calme d’Hélène. Elle ouvrit la bouche, prête à parler, mais Jules l’en empêcha d’une voix ferme.

- Allons dans la cuisine.
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MessageSujet: Re: Quand la Mort...   Quand la Mort... Icon_minitimeLun 29 Juin - 17:23

il faut que je trouve le courage de lire la fin un jour^^. Le début me plaît bien, j'aime bien tes personnages.
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MessageSujet: Re: Quand la Mort...   Quand la Mort... Icon_minitime

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